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Fleurs de CBD : le conflit italien atterrit devant la Cour de justice européenne

L'Italie doit clarifier si ses restrictions sur les fleurs de CBD violent le droit européen de libre circulation.

Auteur de l'article
Publié le
01/12/2025
Par
Sandrine - Rédactrice
Fleurs de CBD italiennes au centre d'un conflit juridique européen

L'Italie vit depuis des années dans un flou juridique total concernant les fleurs de chanvre et le CBD. Une situation qui rappelle étrangement ce qu'a connu la France il y a quelques années avec l'affaire Kanavape. Mais aujourd'hui, le dossier italien franchit une étape décisive.

Le Conseil d'État italien vient de renvoyer l'ensemble du litige devant la Cour de justice de l'Union européenne. Une décision qui pourrait enfin mettre un terme à plusieurs années de turbulences réglementaires et de batailles judiciaires qui ont épuisé les professionnels du secteur.

La question posée aux juges européens est simple en apparence : les mesures italiennes qui restreignent drastiquement la commercialisation des inflorescences de chanvre sont-elles compatibles avec le droit de l'UE, notamment en matière de libre circulation des produits agricoles ?

Un décret qui assimile le chanvre légal aux stupéfiants

Pour comprendre l'ampleur du problème, il faut revenir sur ce que contiennent les textes italiens contestés. Le décret de sécurité et le décret ministériel en vigueur assimilent purement et simplement les fleurs, feuilles, huiles et résines de chanvre à des stupéfiants, même quand leur teneur en THC reste largement inférieure aux seuils légaux.

Concrètement, cela signifie qu'en Italie, des produits parfaitement légaux dans le reste de l'Union européenne sont traités comme des drogues illicites. Une aberration juridique qui bloque toute une filière économique et place les professionnels dans une situation intenable.

Le Conseil d'État italien, en décidant de renvoyer l'affaire à Luxembourg, reconnaît implicitement que ces règles nationales pourraient bien être en contradiction avec la réglementation européenne. Un aveu qui en dit long sur la fragilité de la position du gouvernement italien.

Cette situation n'est pas sans rappeler l'arrêt Kanavape qui avait fait jurisprudence en France. À l'époque, la CJUE avait clairement établi que le CBD n'était pas un stupéfiant et ne pouvait pas être bloqué par un État membre s'il était commercialisé légalement ailleurs dans l'Union.

Des enjeux qui dépassent les frontières italiennes

Si cette affaire se déroule en Italie, ses conséquences potentielles concernent l'ensemble des pays européens. La décision de la Cour de justice pourrait déterminer si le cadre restrictif italien viole les principes fondamentaux de libre circulation des marchandises, de concurrence et de proportionnalité inscrits dans les traités européens.

Maître Giacomo Bulleri, avocat qui suit de près ce dossier, ne cache pas l'importance de l'enjeu. Selon lui, la décision de la CJUE "aura probablement un effet dans toute l'UE et constituera une étape importante vers l'harmonisation du secteur".

Plus concrètement, ce jugement pourrait entraîner la suspension immédiate des mesures coercitives en cours. Des centaines d'opérateurs italiens font actuellement l'objet de poursuites pénales ou administratives simplement pour avoir commercialisé des produits légaux dans le reste de l'Europe. Un répit temporaire leur serait déjà d'une aide considérable.

Les chiffres du secteur italien du chanvre donnent la mesure de ce qui se joue. On parle d'environ 15 000 emplois directs et d'un chiffre d'affaires annuel estimé à 500 millions d'euros. Des milliers de familles dépendent de cette industrie qui se retrouve paralysée par des textes légaux contestables.

Mattia Cusani, qui préside Canapa Sativa Italia, qualifie ce renvoi devant la CJUE de "mesure décisive". Pour lui, la Cour va devoir clarifier si le fait de cibler uniquement les inflorescences de chanvre se justifie alors que le droit européen ne fait aucune distinction entre les différentes parties de la plante et que les niveaux de THC restent minimes.

Une décennie de chaos réglementaire

Cette saisine de la justice européenne marque l'aboutissement d'une longue série de revirements législatifs et de contestations judiciaires. Le secteur italien du chanvre bien-être a vécu une véritable descente aux enfers réglementaire depuis une décennie.

En 2023, le tribunal administratif régional du Latium avait déjà annulé certaines parties d'un décret ministériel qui restreignait les fleurs et feuilles de chanvre. La raison invoquée ? Un manque total de justification scientifique pour de telles restrictions.

Mais le gouvernement Meloni n'a pas accepté cette décision. Il a fait appel, ce qui a finalement conduit le Conseil d'État à demander l'arbitrage de la Cour européenne. Un parcours juridique épuisant pour tous les acteurs impliqués.

L'Italie a multiplié les tentatives pour classifier le chanvre comme une plante médicinale, limitant sa culture et son commerce aux seules graines et fibres. Ces restrictions successives ont semé une confusion totale et donné lieu à des litiges juridiques en cascade qui ont freiné brutalement la croissance du secteur.

Francesco Mirizzi, directeur général de l'Association européenne du chanvre industriel, résume la situation avec amertume : l'industrie "a payé le prix en frais juridiques, en saisies de produits et en incertitude". Les politiques nationales incohérentes ont exacerbé les difficultés d'une filière qui ne demandait qu'à se développer dans un cadre clair.

Les questions posées à la Cour européenne

Le renvoi devant la CJUE soulève deux interrogations fondamentales. Première question : le décret italien sur la sécurité enfreint-il la loi italienne de 2016 sur le chanvre en traitant toutes les fleurs de chanvre comme des stupéfiants, sans distinction de leur teneur en THC ?

Deuxième question : ces restrictions violent-elles les règles de l'Union européenne sur les produits agricoles et les libertés du marché ? En d'autres termes, un État membre peut-il interdire sur son territoire des produits agricoles légalement commercialisés dans d'autres pays de l'UE ?

Le Conseil d'État italien s'appuie sur un principe essentiel : la législation européenne "ne fait aucune distinction entre les différentes parties de la plante". Ce constat suggère fortement que les interdictions nationales visant spécifiquement les inflorescences pourraient être incompatibles avec les règles du marché unique européen.

Francesco Mirizzi souligne que même si la politique retarde souvent la clarification de la réglementation, la décision de la CJUE finira par façonner l'interprétation de la loi sur le chanvre dans l'ensemble des États membres. L'impact dépassera donc largement les frontières italiennes.

L'espoir d'une harmonisation enfin concrète

Pour les opérateurs et détaillants italiens du CBD, ce renvoi représente bien plus qu'une simple procédure administrative. C'est l'espoir de voir enfin leurs activités légitimées, après des années à travailler dans une insécurité juridique permanente.

La décision de la Cour de justice devra déterminer si les fleurs, feuilles, huiles et résines de chanvre dont la teneur en THC reste inférieure à 0,3% sont légales dans toute l'Union européenne. Une clarification qui mettrait fin à des années d'ambiguïté et de conflits d'interprétation.

Comme le note Maître Bulleri, "la bataille finale pour le secteur du chanvre se profile à l'horizon". Un moment charnière pour l'une des industries agricoles les plus controversées d'Europe, mais aussi l'une des plus prometteuses en termes de développement durable et d'emplois dans les territoires ruraux.

Des répercussions attendues dans toute l'Europe

Si la situation italienne semble spécifique, elle pose en réalité des questions qui concernent l'ensemble des pays membres. La France elle-même n'est pas à l'abri de voir certaines de ses restrictions nationales remises en cause à la lumière de ce qui sera décidé à Luxembourg.

Le principe de libre circulation des marchandises est l'un des piliers fondateurs de l'Union européenne. Quand un État membre bloque des produits légalement commercialisés ailleurs dans l'UE, il doit pouvoir justifier cette restriction par des motifs de santé publique solides et proportionnés.

Or, dans le cas du chanvre à faible teneur en THC, les études scientifiques disponibles ne permettent pas de justifier des interdictions aussi radicales que celles mises en place par l'Italie. C'est précisément ce que devra trancher la Cour européenne.

Notre équipe suivra de près l'évolution de ce dossier qui pourrait redessiner la carte du chanvre légal en Europe. Les professionnels du secteur, en Italie comme ailleurs, attendent cette décision avec un mélange d'espoir et d'appréhension.

Car au-delà des considérations juridiques, ce sont des vies professionnelles, des investissements, des projets d'avenir qui sont suspendus à l'avis des juges de Luxembourg. Une décision favorable pourrait libérer le potentiel d'une filière bloquée artificiellement. Un avis défavorable condamnerait définitivement des milliers d'entreprises à disparaître.

Le secteur du cannabidiol en Europe attend donc son verdict, espérant que la raison juridique et scientifique l'emportera sur les postures politiques nationales. Une attente qui pourrait bien prendre encore plusieurs mois avant qu'un arrêt définitif ne soit rendu.

Profil de l'auteur de l'article
Sandrine - Rédactrice

Sandrine est rédactrice pour le média Planposey et a toujours été convaincue que le CBD a de nombreuses vertus et utilisations. Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la plante qu'elle a envie de vous faire découvrir à travers ses articles.

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