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L'Autriche impose un monopole du tabac sur les fleurs CBD : le secteur se rebelle

Le gouvernement autrichien place les fleurs de chanvre sous monopole du tabac à partir de janvier 2029, provoquant l'indignation.

Auteur de l'article
Publié le
03/12/2025
Par
Sandrine - Rédactrice
Fleurs de chanvre en Autriche

Après des mois d'attente et d'incertitude, le coup de massue est finalement tombé en Autriche. Le gouvernement vient d'approuver un amendement qui placera les fleurs de chanvre fumables sous le monopole du tabac du pays à compter de janvier 2029. Une décision qui fait l'effet d'une bombe dans le secteur du CBD autrichien.

D'ici cette échéance, les magasins spécialisés dans le cannabidiol et le chanvre pourront continuer à vendre des fleurs, mais uniquement sous des conditions strictes. Un compromis temporaire que personne ne célèbre vraiment. Pour les professionnels du secteur, il s'agit moins d'un soulagement que d'un compte à rebours vers la disparition.

Cette mesure fait suite à plusieurs décisions judiciaires qui ont progressivement resserré l'étau autour du marché autrichien des fleurs de CBD. Fin 2024, le tribunal administratif a statué que ces produits relevaient de la loi sur la taxation du tabac. La Cour administrative suprême a confirmé cette position cette année, entraînant l'application d'une taxe de 34%.

Les produits non fumables épargnés, les fleurs sacrifiées

La nouvelle réglementation ne concerne pas tous les produits au CBD. Les huiles, les produits comestibles ou les cosmétiques contenant du cannabidiol échappent à cette classification. Seules les fleurs fumables sont visées par le dispositif.

Mais voilà le problème : selon les détaillants autrichiens, les fleurs représentent la principale source de revenus de centaines de magasins spécialisés dans le chanvre bien-être. Retirer ce produit phare de leur offre revient à signer leur arrêt de mort économique.

Les chiffres donnent une idée de l'ampleur du désastre annoncé. Environ 500 boutiques de CBD ont déjà été gravement touchées depuis l'entrée en vigueur des premières restrictions. Plus de 1 500 emplois se trouvent directement menacés par cette évolution réglementaire.

Beaucoup de commerçants font état de pertes de revenus pouvant atteindre 70% depuis que les premières mesures ont été appliquées. Une chute vertigineuse qui place déjà de nombreuses entreprises au bord du gouffre, bien avant l'entrée en vigueur du monopole définitif.

"Ce n'est pas un sauvetage, mais un coup fatal"

Les représentants du secteur autrichien du chanvre légal n'ont pas caché leur colère lors d'une conférence de presse organisée juste après l'annonce gouvernementale. Leurs mots résument bien le sentiment général.

Lukas Bock, détaillant basé à Vienne, a été particulièrement direct : "Ce n'est pas un sauvetage, mais en réalité un coup fatal." Selon lui, des centaines d'entrepreneurs se retrouvent maintenant face à la perte du produit principal sur lequel reposait toute leur activité.

La période de transition qui s'étend jusqu'à fin 2028 est censée permettre aux magasins de continuer à opérer. Mais à une condition : obtenir une licence spéciale pour le chanvre auprès de l'agence qui gère le monopole du tabac.

Pour être éligibles à cette licence, les entreprises doivent remplir deux critères. D'abord, exister depuis le début de l'année 2025. Ensuite, commercialiser principalement des produits à base de chanvre. Des exigences que les petits magasins craignent de ne pas pouvoir satisfaire, notamment ceux qui ont diversifié leur offre pour survivre.

L'Österreichischer Cannabisbundesverband, association créée en début d'année pour défendre les intérêts du secteur, reconnaît que cette transition offre un répit temporaire. Mais l'organisation prévient que le problème fondamental demeure : dans trois ans, à moins d'un nouveau changement législatif, le marché des fleurs de CBD tel qu'il existe aujourd'hui sera purement et simplement démantelé.

Une bataille constitutionnelle qui s'annonce

Le secteur autrichien du chanvre ne compte pas accepter cette décision sans combattre. Une bataille juridique d'envergure se prépare, qui pourrait bien aller jusqu'à la Cour constitutionnelle.

Heinz Mayer, constitutionnaliste qui a rédigé un avis juridique pour l'Österreichischer Cannabisbundesverband, estime que l'extension du monopole constitue "une ingérence inadmissible dans la liberté d'exercer une activité commerciale". Selon lui, cette mesure n'est justifiée par aucun fait concret.

L'expert établit un parallèle intéressant avec une affaire de 2015. À l'époque, la Cour constitutionnelle s'était prononcée contre l'extension du monopole aux e-liquides pour cigarettes électroniques. Un précédent que Heinz Mayer juge suffisamment solide pour renverser l'approche actuelle du gouvernement.

"Nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation similaire à celle dans laquelle nous étions il y a dix ans avec les cigarettes électroniques", explique le constitutionnaliste. Il s'attend à ce que l'affaire "aboutisse définitivement devant la Cour constitutionnelle".

L'association du secteur a déjà déposé une plainte auprès de la Cour fédérale des finances au début de l'année. L'argument principal ? Le monopole est discriminatoire et instaure de facto une "interdiction professionnelle" pour des centaines d'entrepreneurs. Cette procédure est toujours en cours d'examen.

Des conséquences économiques absurdes

Au-delà de l'impact sur les entreprises et les emplois, cette réglementation pose également des questions économiques plus larges. L'Autriche pourrait bien se tirer une balle dans le pied en matière de recettes fiscales.

L'Österreichischer Cannabisbundesverband a fait ses calculs. Selon l'association, le marché légal du chanvre pourrait générer entre 40 et 50 millions d'euros de recettes fiscales annuelles s'il était correctement régulé et taxé.

Or, avec le système de monopole prévu, le gouvernement autrichien ne devrait encaisser qu'environ 15 millions d'euros. Une différence colossale qui montre l'absurdité économique de la décision prise. En voulant contrôler le marché via le monopole du tabac, l'État renonce à des dizaines de millions d'euros de revenus potentiels.

Cette situation crée également un autre problème majeur : elle risque de pousser une partie importante des consommateurs vers le marché non réglementé. Quand les prix augmentent drastiquement et que l'accès aux produits devient plus compliqué, les circuits parallèles se développent mécaniquement.

Une contradiction flagrante avec le droit européen

La décision autrichienne pose également des questions juridiques au niveau européen. Elle semble en contradiction directe avec plusieurs principes établis par les institutions de l'Union européenne.

La Commission européenne a clairement indiqué que le CBD n'est pas un stupéfiant. Cette position a été confirmée à plusieurs reprises, notamment dans l'arrêt Kanavape qui concernait la France.

De plus, le droit européen stipule que les produits à base de chanvre à faible teneur en THC peuvent circuler librement au sein du marché unique. Un État membre ne peut pas bloquer ces produits s'ils sont commercialisés légalement dans d'autres pays de l'UE.

En plaçant les fleurs de chanvre sous monopole du tabac, l'Autriche crée une barrière à l'entrée qui pourrait bien être jugée contraire à ces principes fondamentaux. La question sera probablement tranchée devant les tribunaux dans les mois ou années à venir.

Un scénario qui rappelle la situation française

Cette affaire autrichienne n'est pas sans rappeler les débats qui agitent actuellement la France. Le projet d'article 23 du budget 2026 français envisageait exactement le même type de mesures : confier la vente de fleurs CBD aux buralistes et interdire la vente en ligne.

Face à la mobilisation du secteur, l'Assemblée nationale française a finalement supprimé cet article controversé. Mais le texte doit encore passer devant le Sénat, et rien ne garantit que ces dispositions ne réapparaîtront pas sous une forme ou une autre.

L'Autriche montre ce qui pourrait arriver en France si ces mesures étaient finalement adoptées : un secteur économique dynamique progressivement étranglé, des emplois menacés, des recettes fiscales perdues, et probablement un développement du marché noir.

Notre équipe continuera de suivre l'évolution de ce dossier autrichien, qui pourrait créer un précédent important pour l'ensemble de l'Europe. Les batailles juridiques à venir détermineront si les États membres peuvent vraiment imposer de telles restrictions sur des produits légaux dans le reste de l'Union.

Pour les professionnels autrichiens du cannabidiol, l'heure est à la mobilisation. Entre recours juridiques, manifestations et campagnes de sensibilisation, ils comptent bien ne pas laisser disparaître leur secteur sans combattre jusqu'au bout.

Profil de l'auteur de l'article
Sandrine - Rédactrice

Sandrine est rédactrice pour le média Planposey et a toujours été convaincue que le CBD a de nombreuses vertus et utilisations. Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la plante qu'elle a envie de vous faire découvrir à travers ses articles.

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