L’avenir du cannabidiol (CBD) en Europe pourrait bien changer de cap. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a récemment publié un avis préliminaire recommandant de limiter la consommation quotidienne de CBD à seulement 2 mg par adulte. Une proposition qui a immédiatement suscité de vives réactions dans le secteur, tant ce chiffre semble en décalage avec la réalité de la consommation actuelle.
Une consultation publique ouverte jusqu’au 14 octobre
Cette nouvelle recommandation s’inscrit dans le cadre d’une consultation publique lancée début septembre. L’objectif : recueillir les retours des entreprises, experts et citoyens sur cette mise à jour de l’avis de sécurité concernant le CBD en tant que « novel food » – un statut encore très controversé.
Concrètement, l’EFSA suggère une dose journalière maximale de 2 mg pour un adulte de 70 kg, soit bien en dessous des seuils actuellement appliqués dans d’autres pays : 10 mg/jour au Royaume-Uni, 60 mg/jour en Australie, et jusqu’à 200 mg/jour au Canada.
Une telle recommandation pourrait bouleverser l’ensemble du marché européen, notamment pour les produits CBD vendus sous forme d’huiles, gélules ou aliments enrichis.
Des justifications jugées trop prudentes
Pour fonder son avis, l’EFSA s’est basée sur des études animales et humaines pointant des risques potentiels pour le foie, le système nerveux ou la reproduction, surtout à doses très élevées. Ces incertitudes scientifiques ont conduit l’agence à appliquer un facteur de sécurité de 400 — deux fois plus strict que la norme usuelle — pour définir ce seuil à 2 mg.
Mais pour les acteurs du secteur, cette prudence frôle l’excès. Selon l’Union des industriels pour la valorisation des extraits de chanvre (UIVEC), aucun cas avéré de danger sanitaire lié à la consommation normale de CBD n’a été signalé en Europe en près de 10 ans de mise sur le marché.
Le Dr Jérôme Le Bloch, expert scientifique chez FoodChain ID, critique la méthodologie employée : trop restrictive, focalisée sur un unique critère (l’impact hépatique), et fondée sur des données incomplètes. Il appelle les entreprises à partager leurs données de sécurité pour tenter d’orienter l’avis final de l’EFSA.
Une réglementation encore floue à l’échelle européenne
Aujourd’hui, aucun produit CBD à usage oral n’a encore été autorisé par la Commission européenne en tant que novel food. Chaque État membre avance donc à son propre rythme. En France, par exemple, l’ANSES est allée jusqu’à proposer de classer le CBD comme substance potentiellement toxique pour la reproduction. En Suisse, la limite journalière recommandée est de 12 mg, et au Royaume-Uni, elle vient de passer de 70 à 10 mg.
Face à ce paysage réglementaire fragmenté, la position finale de l’EFSA est très attendue. Elle pourrait servir de référence pour harmoniser les règles européennes, ou au contraire cristalliser les divergences.
Un enjeu stratégique pour le secteur
Si la recommandation actuelle devait être confirmée, les impacts économiques seraient considérables : reformulation de produits, changements d’étiquetage, défiance des consommateurs… Certains craignent une remise en cause de la viabilité même du marché du CBD en Europe.
Pour les professionnels, cette consultation représente donc une opportunité cruciale pour défendre une approche proportionnée, fondée sur des données scientifiques réalistes. D’autant que de nombreux utilisateurs rapportent au quotidien des bienfaits concrets du CBD, qu’il s’agisse de gestion du stress, d’amélioration du sommeil ou de soulagement de douleurs chroniques.